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Adolescents

La crise d'adolescence peut être paisible

Le pédopsychiatre Philippe Jeammet invite les parents à mieux comprendre ce qui se passe à l'adolescence. Durant cette période, leurs enfants sont contraints à changer pour devenir peu à peu des adultes, un changement angoissant que les parents peuvent faciliter en ne cédant pas à la morosité ambiante.

 

Qu'appelle-t-on "la crise de l'adolescence" ?

L'adolescence est une crise dans le sens où c'est une période de transition : l'enfant sort d'un état stable, assez protégé, celui de l'enfance pour rentrer petit à petit dans le monde adulte. L'ado doit donc se réapproprier ce qu'il a reçu en héritage de ses parents : son éducation, son tempérament, ses gènes… Cela l'amène à s'interroger sur ses capacités : qu'a-t-il dans le ventre, dans la tête, pour affronter le monde et y  agir en son nom et pas dans l'ombre des parents. Mais pour moi, l'adolescence c'est d'abord la réponse de la société à un phénomène physiologique (la puberté), qui a des conséquences importantes car il donne accès au monde adulte de l'autonomie et de la procréation.

L'adolescence est-elle toujours une crise ?

J'essaie de montrer qu'on associe - à tort- le terme de crise à l'idée de conflit, alors que le terme de crise signifie "contrainte à changer". Cette contrainte à changer peut se passer de façon agréable et être vécue de façon paisible par l'adolescent. Cela dit, elle comporte toujours une part d'incertitude, or l'incertitude est facilement anxiogène.

Certains adolescents se sentiront plus angoissés que d'autres, pourquoi ?

L'angoisse est le sentiment d'être menacé. Cela se traduit toujours par la crainte de ne pas avoir les moyens de maîtriser la situation. Ce doute, ce manque de confiance va prendre des formes plus ou moins angoissantes selon chacun : le sentiment d'insécurité éprouvé varie beaucoup selon le tempérament de l'enfant. Et on sait aujourd'hui que le tempérament d'un enfant – la force avec laquelle les émotions s'impose à lui – est constitué d'une part de génétique et d'une part de contexte. Cela dépend aussi de la relation de confiance qui le lie à ses parents, de la traversée d'épisodes plus ou moins traumatiques qui peuvent avoir été un facteur de vulnérabilité pour lui.

Dans votre livre, vous soulignez que les parents ont un rôle important, celui d'aider leur adolescent à tirer parti de ses émotions, que voulez- vous dire ?

C'est le travail de l'éducation !  Celui que l'on fait en tant que parents ! Apprendre petit à petit à l'enfant de tirer parti de ses émotions, c'est lui permettre d'en faire une force plutôt qu'une faiblesse. Une émotion au sens large du mot, c'est ce qui nous émeut, ce qui nous motive, ce qui n'est pas intellectuel, ce qui fait que nous nous sentons vivants. Nous sommes tous plus ou moins sensibles, soumis aux émotions car nous avons des tempéraments différents.

Mais, du fait d'une hyper réactivité ou d'une hyper sensibilité, par crainte d'être déçu, par peur d'avoir mal, nous pouvons nous renfermer, nous couper de l'échange avec les autres, de l'acquisition de nouvelles connaissances. Nous nous protégeons alors, en allant vers la maîtrise, le rassurant, mais nous allons aussi à l'encontre de la créativité, de la découverte, de la vie. Ainsi, quand on est blessé émotionnellement, on fait la tête, on s'enferme dans sa chambre, on se barricade dans ses positions, on se met en colère, on agresse les autres, on s'agresse soi-même… C'est une réaction en chaîne.

Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Par exemple, vous avez un examen à passer. Vous êtes assez anxieux, vous ne vous sentez pas maître de la situation, vous dépendez de l'examinateur.  Eh bien, si vous voulez vraiment maîtriser la situation, vous pouvez : vous ne passez pas l'examen, et là, vous êtes sûr de maîtriser la situation, de vous maîtriser. Il s'agit là de quelque chose de fondamental chez les êtres humains, c'est la tentation de la fermeture comme moyen de maîtrise. Mais le prix de cette maîtrise risque d'être très lourd : si je ne passe pas l'examen, je suis en effet sûr du résultat, je ne risque pas de l'avoir.

Que peuvent faire les parents alors pour aider les adolescents face à leurs émotions ?

Peut-être en comprendre l'importance et éviter de dire simplement "il a mauvais caractère". Car nos émotions, on ne les choisit pas, mais on peut choisir d'essayer de les contrôler. Donc on peut lui dire "cette émotivité, c'est une force, c'est un signe que tu es bien vivant, mais elle peut se retourner contre toi. Si parce que tu es blessé par quelqu'un tu ne veux plus dialoguer, cela va t'apaiser un instant, mais tu vas perdre en échange, tu vas perdre un lien que tu pourrais approfondir, qui pourrait t'apporter des choses… » Ce que m'a appris mon métier de pédopsychiatre et le travail avec des adolescents, c'est que cette hyper réactivité peut être destructrice et que, pour se protéger, on va se fermer et se priver de ce dont on pourrait avoir le plus envie, parce qu'en se privant justement, on en a toujours la maîtrise.

Les parents peuvent-ils aussi transmettre une façon positive et ouverte de réagir ?

Tout à fait ! Personne n'existe tout seul, la vie est une co-création permanente et l'enfant se co-construit en miroir de l'image que lui renvoie ses parents. Si les parents lui renvoient une image négative de lui, du monde, s'ils s'enferment dans le catastrophisme, c'est insécurisant pour l'enfant. Il est important que les parents aident leur enfant à voir ce que la vie ce n'est ni tout noir ni tout rose, c'est une co-création qui passe toujours par l'échange avec les autres et que ses potentialités se révéleront aussi dans cet échange.

 

Le 2 mai 2014
Propos recueillis par Odile Amblard
Photo : Piotr Marcinski-Thinkstock

A lire pour en savoir plus

Grandir en temps de crise, comment aider nos enfants à croire en l’avenirPhilippe Jeammet est psychanalyste et psychiatre, auteur de Grandir en temps de crise, comment aider nos enfants à croire en l’avenir.

 

Ed. Bayard, mars 2014, 18 €.

 

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