Notrefamille.com| Enfant.com| Familiscope.fr| Creafamille.be| Vosquestionsdeparents.fr| Phosphore.com| 1jour1actu.com

Lecture adolescents

La langue française s’appauvrit-elle ?

Votre enfant prépare le bac ou un concours ? Il ne doit pas négliger la culture générale qui permet souvent de faire la différence. Retrouvez méthodes éprouvées et conseils pratiques de Barbara Cassin, philosophe et philologue.

 

Le français est-il en danger avec les SMS ou Internet ?

Barbara Cassin : Il existe plusieurs niveaux de discours. Le langage SMS est comparable à la sténo, c'est un raccourci. Le médium du portable crée son propre langage, utilisé sur cet outil en particulier. Cela ne me semble pas spécialement dangereux pour la langue française. Les moteurs de recherche sur Internet, eux, le sont davantage parce qu'ils nous incitent à parler par mots-clés ou dans un anglais approximatif, une pseudo-langue.

Cela entraîne inévitablement un appauvrissement au moins momentané, mais auquel on s'accoutume vite. Pour le reste, l'évolution de la langue est naturelle et même indispensable car, encore une fois, elle est une énergie et non une œuvre close. On ne respecte plus la concordance des temps, c'est ainsi et ce n'est pas si grave.

Ce qui est alarmant, en revanche, ce sont les fautes d'orthographe relevées sur le site Internet de l'Élysée : un “à” de préposition à la place d'un “a” du verbe avoir, ou encore un verbe en “ez” au lieu de “er”… Ces fautes d'orthographe sont d'une grande violence contre la langue française et témoignent du mépris que le pouvoir politique a pour elle, et pour la culture en général ! C'est exactement comme quand Nicolas Sarkozy estime qu'une guichetière n'a pas besoin d'avoir lu La Princesse de Clèves.

C'est dramatique car la culture et la beauté des œuvres, comme l'usage d'une langue dans le respect de son histoire, sont ce qui lie une société, produisent un “nous”, et nous rapprochent de nous-mêmes.

La préservation de la langue française est-elle vraiment une nécessité ?


Barbara Cassin : Je préfère ne pas parler de “préservation”. Une langue évolue et ne se préserve pas comme une espèce menacée. La langue n'est pas une œuvre achevée. C'est, comme le pointait le linguiste Humboldt, une énergie. Pour moi, le pire scénario serait qu'on ne parle plus en Europe que le “globish”, le “global english”, une langue de pure communication, et que chaque pays protège sa langue comme quelque chose de figé, de sacralisé.

Cela voudrait dire que la langue serait coupée de ses œuvres, or une langue se caractérise par les œuvres qu'elle a générées. Le “globish” se caractérise par les dossiers de la Commission européenne, qui n'ont pas vraiment la beauté de La Princesse de Clèves ! Le “globish” ne doit pas remplacer le français, l'allemand ou encore le vrai anglais, celui de Shakespeare, de Jane Austen et de Joyce.

 

Le 29 avril 2009 Barbara Cassin, propos recueillis par Marie-Valentine Chaudon, pour le magazine Muze

Votre recherche