Doudou, pouce et tétine : que se passe-t-il si bébé n’arrive pas à s’en passer ?

Le doudou, la tétine ou le pouce aident un tout-petit à accepter l’absence de sa mère. Un attachement trop fort à ces objets ne risque-t-il pas cependant d’empêcher certaines acquisitions ? Entretien du magazine Picoti avec Chrystel Benoit-Marhuenda, psychanalyste. 

 

Picoti : L’enfant est-il dépendant de son doudou, de sa tétine… ?

Chrystel Benoit-Marhuenda : D'une certaine manière, l'enfant est toujours dans la dépendance, mais ce n'est pas pathologique. Cette addiction peut d'ailleurs s'exprimer de façon plus ou moins forte, selon la manière dont l'enfant a investi son “espace transitionnel”.

Ainsi, certains enfants adoptent un seul objet quand d'autres passent d'une peluche à l'autre, de la tétine au pouce sans difficulté. Cela est lié à leur capacité à se détacher. C'est quelque chose de très intime, défini par le vécu interne de chaque enfant. Nous n'en avons pas d'indice réel, nous pouvons seulement le constater, et, en tant que parents, être à l'écoute des problèmes rencontrés.

Picoti : Cette dépendance est-elle renforcée dans le cas de la tétine ?

C. B.-M. : La tétine renvoie au plaisir infini de téter. C'est ce qu'on appelle la “phase orale”. Les bébés nourris au sein ou au biberon ont déjà dû y renoncer pendant leur sevrage. Ils ont perdu un moment privilégié, mais ils ont gagné l'accès à de nouveaux goûts. Bien sûr, la tétine a un effet calmant et rassurant, mais jusqu'où doit-on laisser se prolonger ce plaisir ?

Un enfant qui garde sa sucette trop longtemps ne peut accéder à d'autres types de satisfaction, cela l'empêche de grandir. Ce plaisir de bébé doit être limité dans le temps, au risque sinon de compromettre l'acquisition fondamentale de la maturité.

La suppression de la tétine n'est pas supportable pour un nourrisson, mais lorsqu'un enfant de deux ou même trois ans y a toujours recours, on peut légitimement s'interroger sur les répercussions d'un tel usage.

Picoti : Peut-on vraiment donner une réponse généralisée à ces questions ?

C. B.-M. : Dès lors qu'on parle de l'humain, il est impossible de fixer des règles généralisées. On le voit au sein des fratries. Mais, depuis maintenant plus de cent ans, nous avons des éléments de réponse. Ainsi, les phases clés du développement de l'enfant que nous connaissons nous aident à appréhender leurs difficultés, même si chaque enfant les traverse à sa manière.

Picoti : Est-ce la même chose pour le doudou ?

Dans ce cheminement, le doudou occupe une place particulière. D'abord relais de la maman et porteur d'une symbolique forte, puis objet de consolation, il est enfin un outil d'ouverture au monde social avec ses codes et ses règles. Oui, on peut malmener son doudou quand on est en colère, mais pas ses petits camarades, ni ses frères et sœurs. Le doudou est tout cela à la fois.

 

Le 7 décembre 2010 Chrystel Benoit- Marhuenda - Propos recueillis par Lise Irlandes-Guibault pour le magazine Picoti

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