Racontez-leur des histoires !

Pourquoi les enfants aiment-ils autant les histoires réelles ou imaginaires ? Et comment expliquer leur enthousiasme, aujourd’hui encore, pour les contes traditionnels ? Evelyne Cevin, conteuse, répond à nos questions et vous propose sa version des Trois petits cochons – à regarder et à écouter en famille – ainsi qu’une sélection d’ouvrages.

 

Vos questions de parents : Depuis quand raconte-t-on des histoires ?

Evelyne Cevin : “Depuis que l'homme a acquis le langage, il se raconte des histoires, explique Evelyne Cevin, spécialiste de littérature orale et conteuse. Pourquoi ? Pour mettre de l'ordre dans le chaos ! Il fallait s'expliquer les phénomènes terrifiants : foudre et tonnerre, tremblements de terre, inondations…

Et il fallait aussi mettre de l'ordre dans le chaos des relations familiales dans la grotte ! Les histoires parlent depuis la nuit des temps des relations entre frères et sœur, entre parents et enfants. Raconter des histoires, c'est un des signes de notre humanité.”

V.Q.D.P. : Existe-t-il encore une tradition orale aujourd’hui ?

E.C. : “Oui, répond Evelyne Cevin, les parents d'aujourd'hui pratiquent naturellement l'oralité à travers le récit familial. Chacun raconte à ses enfants des épisodes de son enfance, l'histoire de la grand-mère, la rencontre amoureuse qui a donné naissance à la famille… Il y a aussi des comptines, chansons ou historiettes qui surgissent de la mémoire des parents.

Ces moments de récit sont extrêmement précieux pour l'enfant. Ils sont porteurs d'émotion et construisent son patrimoine familial.

Autre grande richesse : le langage employé par les parents, très différent des injonctions habituelles du quotidien, devient dans ces moments élaboré, voire poétique !”

V.Q.D.P. : Pourquoi les enfants aiment-ils autant les contes ?

E.C. : “Les contes abordent des thèmes universels, rappelle Evelyne Cevin, comme l'amour, la mort, les relations humaines. Ils le font sur un mode symbolique qui parle aux enfants. De plus, les contes sont fascinants à cause de leurs variantes. Les enfants connaissent une histoire qui semble immuable et, soudain, un autre conteur ou un autre album chamboule tout avec ses variantes : mots employés, atmosphère et ton, illustrations…

L'enfant découvre qu'une même histoire peut-être racontée de mille manières, avec des interprétations infinies. Il explore la diversité, tout en découvrant des lois universelles. C'est une merveilleuse porte d'entrée dans la littérature et l'art en général.”

V.Q.D.P. : Est-ce que les enfants préfèrent un récit oral à un livre ?

E.C. : “Les enfants aiment les deux, à partir du moment où le conteur est lui-même immergé dans le récit, explique Evelyne Cevin. Une histoire, ça se vit en trois dimensions : on voit des images, on entend des bruits, on sent avec sa peau !

Si le lecteur ou le conteur ressent cela, même sans savoir bien lire, c'est efficace. Par ailleurs, quand on raconte une histoire sans livre, cela donne une liberté totale pour adapter son récit à l'enfant.”

 

Le 30 octobre 2009 Anne-Laure Fournier le Ray

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